Après avoir travaillé chez State Street, Fidelity ou Schroders, Fannie Wurtz a rejoint Amundi en 2011. Après avoir dirigé le développement de l’activité ETF, Indiciel et Smart Beta, elle occupe depuis 2021 le poste de Directrice du pôle Distribution & Banques Privées et des métiers ETF & Gestion Passive, et elle supervise également les activités d’Amundi en Asie (hors Japon). En tant que membre de la direction générale, elle collabore étroitement avec Valérie Baudson (CEO du groupe). Nous avons eu l’occasion de l’interviewer à l’occasion de son récent passage à Bruxelles.

Que représente la gestion passive chez Amundi ?
Fannie Wurtz : « La gestion passive représente 420 milliards d’euros (sur les 2,2 trillions d’euros gérés par Amundi), dont 270 milliards d’euros investis au travers de plus de 300 ETF. Les trackers répliquent les indices à un coût généralement attractif, avec une liquidité qui est d’autant plus forte que l’indice sous-jacent est liquide. Leur simplicité d’utilisation et leur transparence sont des facteurs clés qui expliquent leur adoption par de plus en plus d’investisseurs, notamment en Europe, avec des volumes qui ont été en forte croissance ces dernières années. Dans le marché des ETFs, 2024 avait vu des flux importants se diriger vers les actions américaines (près de 100 milliards de dollars). Depuis début 2025 la tendance est orientée vers l’Europe avec plus de 13 milliards de dollars de flux vers les actions européennes rien que pour les mois de janvier et février. Actuellement, les clients européens qui investissent dans les actions européennes sont notamment motivés par des questions de valorisation intrinsèque, tandis que les asiatiques ont parfois des considérations plus larges de diversification de leurs actifs ».
Les ETF ont fait l’objet de critiques pour leur rôle supposé dans la hausse des Magnificent Seven. Sont-elles justifiées ?
F.W. : « Nous avions anticipé les problématiques liées au poids des Magnificent Seven dans les indices, et c’est la raison pour laquelle nous avions lancé en 2024 un ETF qui permet de s’exposer sur le marché américain en excluant les méga capitalisation (Amundi MSCI USA Ex Mega Cap UCITS ETF). Cela nous a permis de répondre à la volonté de clients qui souhaitaient isoler les grandes capitalisations du reste du portefeuille, car leur poids devenait trop important. Chez Amundi, nous avons la possibilité de pouvoir innover et lancer rapidement des ETFs adaptés aux demandes spécifiques d’une partie de notre clientèle, avec une offre locale qui sera adaptée dans un très grand nombre de pays ».
Quels sont les critères qui déterminent dans quelle région un fonds va être domicilié ?
F.W. : « Nous sommes une grande société de gestion, avec une large gamme de véhicules de droit français, luxembourgeois ou irlandais. L’objectif est d’offrir le choix à nos clients car ils ont tous des contraintes, des préférences ou des biais d’allocation d’actifs. Parfois, il peut également y avoir des fiscalités différentes qui peuvent motiver la domiciliation d’un fonds sous un pavillon spécifique. Le but est toujours d’offrir aux clients le choix du meilleur support en fonction de leurs contraintes de construction des portefeuilles ».
Vous utilisez beaucoup de partenariats avec le secteur bancaire ?
F.W. : « Amundi est un gestionnaire d’actifs qui s’est construit en proximité avec des banques, et nous avons un ADN fort de partenariats avec de nombreux réseaux bancaires partenaires, en France mais aussi un peu partout dans le monde. Au fil du développement d’Amundi, nos partenariats de distribution se sont largement diversifiés : nous travaillons aujourd’hui avec plus de 600 distributeurs. Au niveau de la distribution, une grande tendance de ces dernières années a été la forte réduction (d’environ 25%) du nombre de gestionnaires sélectionnés par les réseaux opérant en architecture ouverte. Les banques et distributeurs travaillent avec moins d’acteurs gestionnaires d’actifs, mais vont avoir des exigences beaucoup plus élevées, afin de pouvoir être accompagnées par exemple tant dans la gestion active que passive ou dans les actifs privés ».
L’accompagnement va au-delà de la simple distribution des fonds ?
F.W. : « Oui. Nous pouvons bien entendu proposer des produits sur mesures, mais également offrir un accompagnement technologique, un accompagnement marketing, de la formation pour les conseillers ou encore aider dans le déploiement d’un produit dans plusieurs pays. Nous constatons également le besoin d’un accompagnement technologique pour automatiser certaines tâches et décharger les conseillers des tâches administratives, ce qui nous a également motivé à faire récemment l’acquisition d’Aixigo à la fin 2024, une WealthTech allemande qui offrait déjà un grand nombre de services technologiques utilisés par plus de 60 000 conseillers d’institutions financières de premier plan, et dont nous proposons désormais les solutions à nos clients ».
Une tendance lourde de ces derniers mois est le recours aux actifs privés comme source de diversification et de rendement…
F.W. : « Il y a une demande extrêmement forte au sein de l’industrie pour les actifs réels, qui s’est nourrie de la longue période de taux extrêmement faibles et a poussé les investisseurs à rechercher une diversification des sources de rendement. Par ailleurs, nous avons également des besoins très importants pour financer l’économie réelle, et financer notamment des plans d’infrastructures massifs liés à nos transitions énergétiques, climatiques et digitales, estimés à 750 milliards d’euros par an uniquement pour l’Europe. Le secteur de la gestion d’actifs joue un rôle de courroie de transmission, pour mettre en adéquation ces besoins de financements importants et l’épargne des européens. Dans cet environnement, le développement de nouvelles solutions davantage ouverte au retail (ELTIF 2.0) est une bonne chose, mais nous devons évidemment nous assurer que ces solutions soient bien comprises par les clients car ce sont des produits moins liquides. Il faut donc disposer d’un horizon d’investissement long. ».
Les clients sont-ils conscients des risques associés à ce type de produits ?
F.W. : Si nous voyons certains progrès sur les sujets de connaissances et d’éducation financières en Europe, certains pays sont encore en retrait par rapport à la moyenne de l’OCDE et les efforts doivent être poursuivis. Il faut donc continuer à développer l’éducation financière pour que le client comprenne bien les particularités du produit. C’est un travail que nous entreprenons évidemment avec les distributeurs afin de s’assurer que le bon instrument est proposé aux bons clients dans le format adapté à ses besoins.
Quel est l’importance de l’Asie pour Amundi ?
F.W. : « Les actifs gérés dans cette région atteignaient 469 milliards d’euros à la fin 2024, avec une croissance plus rapide que dans les autres régions grâce à une croissance économique et une démographie plus favorable qui entraîne une progression du patrimoine financier plus rapide que dans le reste du monde. Au niveau d’Amundi, cette montée en puissance provient en grande partie d’une joint-venture que nous avons avec State Bank of India, avec des actifs sous gestion qui ont atteint 292 milliards d’euros à fin 2024 en progression de 23% sur un an. Dans les 2,2 trillions d’euros que nous gérons globalement, 17% sont gérés par le biais de joint ventures, dont le modèle colle bien avec notre ADN de vouloir construire des offres en collaboration avec des acteurs locaux ».