Christopher Dembik, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management.
Il y a deux semaines, les oiseaux de mauvais augure prédisaient une inflation hors de contrôle à cause des taxes douanières. Patatras, l’inflation américaine recule. En février, les prix à la consommation ont chuté à 2,8% sur un an, contre un consensus à 2,9%. En outre, l’inflation sous-jacente, qui est plus importante pour comprendre la dynamique des prix, a baissé à 3,1% contre un consensus à 3,2%. Il s’agit de la première fois depuis juillet 2024 que les prix à la consommation et l’inflation sous-jacente diminuent conjointement. Certes, la politique commerciale erratique américaine soulève des incertitudes sur l’inflation à court terme – d’où la hausse des anticipations d’inflation. Mais on est loin d’un scénario inflationniste.
La beauté des marchés financiers, c’est qu’un narratif, une fois qu’il s’avère faux, et vite remplacé par un autre. Fini l’inflation galopante, bienvenue à la récession ! Pour preuve, l’effondrement de l’indicateur GDPNow de la Fed d’Atlanta. Il y a deux problèmes. Premièrement, cet indicateur n’est pas d’une grande fiabilité pour prédire l’évolution du PIB américain en variation trimestrielle. Deuxièmement, sa chute s’explique essentiellement par une dégradation de la balance commerciale liée à des importations record. En prévision des taxes douanières, les entreprises américaines importent massivement pour constituer des stocks. Logique.
La politique de l’administration Trump n’est pas indolore. L’incertitude est ce qu’il y a peu de pire qui puisse arriver en bourse et dans l’économie réelle. Les entreprises réfléchissent à deux fois avant d’engager des projets d’investissement importants. Les consommateurs dépensent, mais un peu moins comme on l’a vu en janvier. En revanche, aujourd’hui, rien ne va dans le sens d’une possible récession. Un ralentissement économique est cependant probable. Nous avons abaissé notre prévision de croissance pour l’économie américaine de 2,3% à 2% pour 2025. C’est marginal, pour le moment.
Perspectives
Quatre banques centrales sont attendues cette semaine. Mais une seule devrait modifier sa politique monétaire. La Réserve Fédérale, la Banque du Japon (BoJ) et la Banque d’Angleterre (BoE) devraient passer leur tour. Rendez-vous cet été pour la BoJ et au deuxième trimestre pour la BoE. La Banque Nationale Suisse n’a pas le luxe d’attendre. Face à l’accroissement du risque déflationniste, elle devrait abaisser son taux directeur de 25 points de base – c’est déjà intégré dans les prix du marché. L’inflation ne cesse de chuter dans la Confédération, atteignant un point bas depuis quatre ans en février. Nous doutons que la baisse des taux qui va intervenir ce jeudi sera suffisante. D’autres sont inévitables. Le taux directeur devrait être porté à zéro en juin. Cela ouvre évidemment la porte à la mise en place future de taux négatifs si les pressions déflationnistes persistent. Souhaitons que nous puissions éviter cela…
Vous ne l’avez pas lu dans la presse
Il y a toutefois une bonne nouvelle dans ce paysage morose : l’inflation japonaise est de retour. En janvier, les prix à la consommation ont atteint 4% sur un an. Même si une décélération est attendue en février, l’inflation devrait rester à un niveau élevé. Résultat, McDonald’s a augmenté le prix de son cheeseburger vendu dans l’archipel qui est passé de 170 yens à 190 yens (environ 1,20 euro). À l’inverse, la déflation continue de sévir en Chine. L’inflation est ressortie à -0,7% sur un an en février. Désormais, le taux souverain à 30 ans du Japon est supérieur de 59 points de base à celui de la Chine.