En raison d’une combinaison de données américaines décevantes et d’un plan fiscal sans précédent en Allemagne, les prévisions de croissance pour les États-Unis et l’Europe se sont inversées. Comment les investisseurs doivent-ils réagir ? Analyse de Ranjiv Mann, Senior Portfolio Manager Core Fixed Income chez AllianzGI.
L’année 2025 a débuté avec des turbulences sur le marché des obligations d’État. L’optimisme initial concernant l’économie américaine a laissé place à un revirement de sentiment, alimenté par des chiffres économiques décevants et des incertitudes en matière de politique économique. La Réserve fédérale américaine demeure prudente quant aux baisses de taux d’intérêt. Le marché anticipe désormais près de trois baisses de taux cette année, contre une seule prévue en début d’année. Le rendement des obligations d’État américaines à 10 ans a ainsi chuté de 4,80 % à 4,30 %.
En Europe, la situation est différente. Les attentes concernant l’économie de la zone euro étaient initialement faibles, mais le nouveau plan budgétaire allemand, qui prévoit une augmentation des dépenses publiques, a changé la donne. Cela a entraîné une forte hausse du rendement des obligations allemandes à 10 ans, atteignant 2,85 %, soit la plus forte progression en plusieurs décennies. En conséquence, la pression sur la Banque centrale européenne pour poursuivre la baisse des taux s’est atténuée.
Réduction des écarts de taux
Les divergences de perspectives économiques entre les États-Unis et l’Europe se reflètent également sur les marchés obligataires. L’écart entre les rendements des obligations américaines et allemandes s’est considérablement réduit. Par ailleurs, les actions européennes ainsi que les obligations d’entreprises européennes affichent de meilleures performances que leurs homologues américaines.
La Chine modifie également sa politique économique en mettant davantage l’accent sur la consommation des ménages plutôt que sur les investissements. Ce changement pourrait avoir un impact mondial, notamment sur le rôle du dollar américain en tant que principale monnaie de réserve.
Comment les investisseurs réagissent-ils ?
Face à ces évolutions, les investisseurs ajustent leurs stratégies :
- Stratégies de courbe des taux : nous pensons que cet environnement est favorable à un mouvement de pentification des courbes des taux aux États-Unis et en Allemagne. En février, nous avons renforcé notre positionnement en faveur d’une pentification de la courbe américaine avec une stratégie de steepener sur 5 ans contre 30 ans, en complément de notre position existante sur 7 ans contre 30 ans. Nous avons également ajouté une position de pentification sur 5 ans contre 30 ans en Allemagne, compte tenu des perspectives de dépenses budgétaires accrues en Europe. Pour compenser cette tendance haussière, nous privilégions un aplatissement de la courbe japonaise sur 7 ans contre 30 ans, estimant que la Banque du Japon se dirige vers une normalisation de sa politique monétaire à mesure que les pressions inflationnistes augmentent.
- Flexibilité face à la sensibilité aux taux : dans un marché incertain, les investisseurs adoptent une approche flexible en matière d’obligations. Dans certains pays comme le Royaume-Uni et l’Australie, ils privilégient des maturités longues, tandis qu’aux États-Unis, ils ajustent leurs positions de manière tactique en fonction des évolutions du marché.
- Positionnement sur les devises : les investisseurs anticipent un renforcement du yen japonais et du dollar australien par rapport au dollar américain, entre autres.
- Sélectivité dans les obligations d’entreprises et des marchés émergents : malgré la volatilité, certaines obligations d’entreprises et certaines obligations souveraines des marchés émergents restent attractives. Les investisseurs se positionnent de manière sélective sur ces actifs, en raison de valorisations jugées intéressantes.
En résumé
Les marchés obligataires sont en pleine mutation, et les investisseurs cherchent à tirer parti des opportunités en jouant sur les écarts de taux, les fluctuations des devises et le sentiment du marché.