Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.
Quel est le point commun entre la débâcle immobilière chinoise, la tentative avortée de BHP sur Anglo American et le développement exponentiel des datas centers ? C’est évidemment le métal rouge dont la présence est indispensable dans la tuyauterie, les câbles électriques et les puces.
Les investisseurs américains les plus seniors l’appellent doctor copper, tant son cours est corrélé à la santé de l’économie mondiale. A ce titre, la Copper Developement Association nous apprend que presque la moitié de sa production a comme débouché le marché de la construction, et à hauteur de 20% les produits électriques. Avec la stabilisation des PMI* globaux et désormais 38% des investisseurs anticipant un no landing (contre 8% en aout 2024, selon le dernier sondage de Bank of America), il n’est pas surprenant de constater une hausse du prix du cuivre de 4% depuis le début d’année (en dollars, au moment de la rédaction de ces lignes).
Si on allonge l’horizon d’investissement, les applications de la transition énergétique vont mécaniquement devenir des relais de croissance en raison de leur voracité pour cette commodité. A titre d’exemple, une voiture électrique consomme quatre fois plus de cuivre qu’un modèle traditionnel. Même constat pour l’éolien avec un facteur 5 comparé à l’énergie thermique.
Dans ce contexte, EY anticipe que la consommation passera de 25 millions de tonnes à 40 millions en 2050. Le cabinet évalue à une quarantaine le nombre de mines supplémentaires pour couvrir ces besoins, alors que les découvertes majeures de gisements au cours des 10 dernières années s’élèvent à …14. Etant donné le décalage entre la découverte d’un nouveau gisement et sa mise en production (>15 ans), les problèmes de déficit vont potentiellement se matérialiser à partir de 2026.
Même son de cloche chez l’opérateur minier anglo-australien BHP qui anticipe une hausse de 70% de la demande à horizon 2025 (base 2021), en partie expliquée par les centres de données dont les besoins en cuivre pourraient être multipliés par 6 d’ici 2050 ! Même si cette estimation porte à caution au regard de la nouveauté du phénomène, l’annonce récente par Donald Trump du plan investissement Stargate d’un montant de 500 milliards de dollars visant à développer une infrastructure d’IA aux États-Unis va dans ce sens.
Rien d’étonnant donc que les sociétés minières souhaitent renforcer leur exposition à ce métal, via le prisme classique du built or buy en mettant en concurrence une prime boursière face à l’équation économique d’un développement organique. Pour cette deuxième option, les obstacles ne manquent pas : chute de la concentration du sol en minerai (divisé par deux en 20 ans), transition vers des pays à profil de risque plus élevé (notamment la copper belt entre la Zambie et la RDC) ainsi que les restrictions liées à l’ESG. Autant de facteurs qui poussent structurellement à la hausse l’intensité en capital des nouveaux projets.
Mais si cette logique de fusion et acquisition est rationnelle au niveau micro économique, elle ne résoudra pas le potentiel déficit d’offre à moyen terme. C’est donc de l’autre partie de l’équation que viendra la solution à ce déséquilibre : le prix de moyen terme permettant de stimuler les dépenses d’exploration et de développement. A titre d’illustration, Robert Friedland, le fondateur d’Ivanohe Mines parle d’un prix d’incitation supérieur à 11 000$/t…à comparer à un prix plancher (opex + capex de maintenance) évalué à 7000$/t par les analystes de Bernstein.
N’en déplaise à ceux qui placent leurs espoirs dans le recyclage, celui-ci ne sera que d’une aide marginale pour combler le déficit de long terme. En 2024, l’offre en provenance de la ferraille (scap) représentait 4,5mt soit 17% de la demande de produits raffinés (vs 21% en 2012 et 14% en 2020). Sachant que depuis 1980, l’offre provenant du recyclage a cru dans une fourchette 2/4%, il faudrait une accélération significative de la tendance pour combler l’écart entre offre et demande à moyen terme.
Face au niveau actuel d’incertitude géopolitique, la règle d’or de la diversification s’impose plus que jamais. L’implémenter via une exposition aux métaux est une option raisonnable pour les investisseurs. Dès lors, intégrer dans la prescription du doctor copper des fortifiants A (comme Alpha) semble être tout indiqué…
*Indice des directeurs d’achat