Par Prof. Dr. Jan Viebig, Chief Investment Officer, ODDO BHF Asset Management.
L’accélération de l’inflation dans la zone euro signalée cette semaine n’est pas dramatique en soi. En décembre, les prix à la consommation dans la zone euro ont augmenté de 2,4 % sur un an, selon les estimations préliminaires. L’inflation sous-jacente dans la zone euro est restée à 2,7 %. La persistance de l’inflation ces derniers mois semble confirmer un vieil adage dans la lutte contre la hausse des prix : le dernier kilomètre est souvent le plus dur.
La grande inconnue cette année sera la politique économique du futur président américain Donald Trump, qui prêtera traditionnellement serment le 20 janvier. S’il met effectivement ses annonces à exécution, sa politique protectionniste risque d’accroître la pression sur le niveau des prix. Selon les calculs d’Oxford Economics, l’augmentation des droits de douane à l’importation, notamment à l’encontre de la Chine, ferait grimper le niveau général des prix aux États-Unis d’un point de pourcentage alors que l’inflation est déjà plus élevée aux États-Unis qu’en Europe. En novembre, les prix américains à la consommation, mesurés par l’indice des prix à la consommation (IPC), ont augmenté de 2,7 %, l’inflation sous-jacente se trouvant actuellement à 3,3 %.
Malgré les tendances inflationnistes, les transactions de taux d’intérêt sur les marchés à terme permettent de déduire que les investisseurs s’attendent dans leur majorité à de nouvelles baisses des taux en 2025. En conséquence, la Fed devrait réduire son taux directeur en plusieurs étapes au cours de l’année, du niveau actuel de 4,375 % (milieu de la fourchette cible) à environ 4 %, tandis que la BCE devrait réduire le sien progressivement du niveau actuel de 3,0 % à environ 1,8 % (source : Bloomberg). Si ces attentes se réalisent, la baisse des taux de la zone euro dépassera nettement celle des États-Unis. Dans les deux grandes régions économiques, la politique monétaire devrait en tout état de cause devenir moins restrictive au cours de l’année 2025.
Un nouvel assouplissement de la politique monétaire se justifie en Europe avant tout par le fait que l’économie s’y trouve dans une situation plus faible que l’économie américaine. En octobre 2024, le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait un taux de croissance de 2,2 % pour les États-Unis pour l’année 2025. Ce n’est pas un niveau extraordinaire, mais la croissance est bien supérieure à l’estimation du FMI pour la zone euro, qui s’élève à un modeste 1,2 %. Le FMI devrait publier une actualisation de ses prévisions pour 2025 à la fin du mois de janvier. Vendredi, de nouvelles données sur le marché du travail aux États-Unis auront fourni un aperçu supplémentaire de l’état de l’économie américaine.
Pour toutes ces raisons, nous continuons à privilégier les actions américaines par rapport à la bourse européenne. Cette décision n’est pas seulement justifiée par des arguments macroéconomiques, mais aussi par les perspectives du marché boursier. A notre avis, de nombreuses actions américaines continuent d’offrir des opportunités intéressantes. Certes, les valorisations aux Etats-Unis dépassent celles constatées en Europe. Ainsi, le ratio cours/bénéfice (P/E) du S&P 500 est actuellement de 26,5, bien au-dessus de sa moyenne à long terme. Mais si l’on regarde le S&P 500, pondéré de manière égale, il ne se trouve que légèrement au-dessus de sa moyenne à long terme, à 19,6. L’indice boursier européen MSCI Euro n’affiche actuellement qu’un ratio cours/bénéfice de 14,6. La dynamique positive à Wall Street devrait se poursuivre en 2025. Selon FactSet, les acteurs du marché s’attendent à ce que les bénéfices des entreprises du S&P
500 augmentent en moyenne de 14,6 %, mais les bénéfices des actions de l’indice Stoxx Europe 600 n’augmenteront que de 8,2 %. La grande influence des valeurs technologiques sur le marché boursier américain peut également être mesurée par le fait que les acteurs du marché s’attendent à une croissance des bénéfices de 25,2 % pour les actions de l’indice Nasdaq Composite, à forte orientation technologique.
La valorisation élevée des actions américaines est due non seulement à la croissance plus élevée des bénéfices estimés aux États-Unis, mais également aux rendements plus élevés du capital des entreprises américaines. Au cours des cinq dernières années, le rendement sur capitaux propres des actions américaines s’est élevé en moyenne à 16,3 % par an, alors que dans la zone euro, il n’était que de 10,9 %, les deux plus grandes économies européennes tirant la moyenne vers le bas : les actions allemandes ont réalisé un rendement du capital de seulement 9,1 % par an, les Français 9,4 %.
Par rapport à nos indices de référence internes, nos portefeuilles d’actions sont fortement orientés vers le marché américain. Dans notre portefeuille modèle, ils représentent 52 %, tandis que notre indice de référence pour les actions américaines est de 35 %. Dans l’indice MSCI World, la part des actions américaines s’élevait récemment à environ 74 %. L’un des conseils les plus sages est que les investisseurs devraient diversifier leurs actifs. Un engagement de plus de 70 % dans les actions américaines nous semble représenter un risque bien trop élevé.
Nous sommes convaincus que le marché américain se portera mieux que le marché européen au cours de l’année 2025. Outre les indicateurs économiques, un nombre important d’entreprises cotés aux Etats-Unis se concentre avec beaucoup de succès – par exemple, mesuré par le rendement des capitaux propres – sur des sujets d’investissement clés pour l’avenir. C’est notamment le cas pour l’intelligence artificielle et la médecine transformatrice. Néanmoins, nous cherchons également des modèles d’entreprise prometteurs en Europe. Et nous finissons toujours par trouver des investissements attrayants. La part des actions européennes dans notre portefeuille modèle est actuellement de 45 % (indice de référence 55 %). Même si une surpondération sur les Etats-Unis reste conseillée, les investisseurs ne devraient pas négliger le principe de diversification dans la construction de leur portefeuille.