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Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.

Six ! C’est le nombre de constructeurs automobiles européens ayant émis des avertissements sur leurs résultats (Porsche, VW, Stellantis, Aston Martin, BMW et Mercedes). Même le pneumaticien Michelin, théoriquement protégé par la prépondérance de son activité seconde monte (3/4 de ses revenus) a dû revoir ses perspectives. Inutile donc d’attendre la fin de la saison de publications trimestrielles pour dresser le bilan des problèmes de cette industrie en Europe : se conjuguent des effets cyclique (faiblesse de la demande) et structurel (réglementation) qui obligent les constructeurs à revoir leurs attentes de chiffres d’affaires, de marges et surtout de génération de trésorerie.

Pour expliquer ce phénomène, Mercedes met en avant la détérioration rapide de ses activités en Chine. Ce pays, le plus grand marché de l’entreprise, semble avoir encore perdu de son élan, les acheteurs fortunés repoussant l’achat des modèles les plus prestigieux de la marque (Classe S et le haut de gamme Maybach). Quant à Stellantis, la société subit une pression générale sur les prix de vente et va devoir apurer des stocks élevés au S2 (ce qui impactera sa capacité à absorber les couts fixes).

Au-delà de ce phénomène cyclique, le secteur souffre d’une incertitude grandissante au fur et à mesure que l’échéance de 2025 se rapproche : la réglementation européenne impose une baisse des émissions de CO2 de 15% l’année prochaine (vs 2021) ce qui incite fortement à faire croître les ventes de véhicules électriques. En moyenne, une pénétration de 25% de ces véhicules dans le mix de vente est nécessaire pour atteindre cet objectif. Cela semble inatteignable à la vue du taux actuel de 15%.

Engagé dans cette voie sans issue, le régulateur pourrait assouplir la régulation, notamment pour prendre en compte le manque d’intérêt du consommateur alors même que les modèles sont disponibles (en raison des prix, cout de l’assurance et limitation des infrastructures). Faute de quoi, le secteur européen pourrait se voir imposer des pénalités se chiffrant en milliards. Dans cette configuration, on ne peut s’empêcher de penser à la déclaration d’Elon Musk (datant de 2022) : « Si vous n’êtes pas en faveur des voitures électriques, vous allez bientôt disparaitre ». Mais que faire si ce sont vos propres clients qui ne sont pas intéressés ?

Prenant acte de cette situation inique, VW a brisé un tabou en Allemagne : le comité d’entreprise du groupe (entité centrale dans le système de gestion outre-Rhin) a déclaré que la direction envisageait la fermeture de trois usines dans le pays (avec des milliers de licenciements à la clé), pour des raisons de compétitivité. Sans surprise, le syndicat IG Metall a prévenu que de telles décisions engendreraient « une résistance d’un genre qu’il ne pourrait jamais imaginer ». Pour rappel, VW est le plus grand employeur industriel d’Allemagne et le premier constructeur automobile d’Europe en termes de chiffre d’affaires. Même son de cloche chez Stellantis par la voix de son directeur général qui n’exclut pas la fermeture de site de production en Europe si des constructeurs chinois s’implantent localement.

Ces opérations vérité font dramatiquement échos au Rapport Draghi sur le futur de la compétitivité européenne, dans lequel l’ancien président de la BCE dresse le bilan d’un décrochage européen. La zone se trouvant entre le marteau américain et l’enclume chinoise, l’objectif du rapport de « Super Mario » est évidement de créer un électrochoc politique face au risque de marginalisation de l’Europe.

En attendant une réponse coordonnée de long terme, les attentes bénéficiaires du secteur ont été largement rebasées et les valorisations actuelles sont attractives au regard de son propre historique (PER de 7x 2025 contre un multiple de 10x en moyenne sur 10 ans et 8x retraité de la période Covid, selon le consensus), mais le caractère binaire du sujet de taux de pénétration à horizon un an rend la prise de position très hasardeuse. En attendant, cette industrie devrait rester un secteur de « trading » sur le plan boursier, ce qu’elle a d’ailleurs été aux yeux des investisseurs sur le dernier cycle. La boucle est bouclée…

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