Il a mené une très bonne campagne, rythmée et jouant sur l’humour, ce qui a permis de le rendre sympathique auprès d’une partie de l’électorat. Ce n’est pas encore officiel mais tout indique qu’une nouvelle ère Trump s’ouvre. Et ce n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour l’Europe. Il va mettre en œuvre une politique protectionniste : tarif douanier universel à 10% et hausse des taxes sur toutes les importations chinoises de 60%, ce qui pourrait conduire à une baisse du PIB chinois de 1,4%, selon nos estimations. Ce sera chahuté. Il y aura des mots plus hauts que les autres. Cependant, il est certainement plus facile pour l’Europe de gérer l’approche transactionnelle de Trump que la politique de subventions à tout-va conduite par Biden et qui aurait été poursuivie par Harris. Celle-ci a abouti à une désindustrialisation à grande vitesse de l’Europe. Le coût de l’énergie outre-Atlantique est quatre fois inférieur à celui de l’Europe et les aides publiques sont à un tel niveau qu’elles reviennent parfois à subventionner jusqu’à 100 % les emplois relocalisés dans certains secteurs d’activité.
Est-ce que Trump sera bénéfique pour la bourse ? Ce n’est pas certain. Il ne faut jamais exagérer l’influence du politique sur l’évolution des actions. Dans les six mois suivant l’élection de Trump en 2016, le S&P 500 a augmenté de 12,1%. C’est une bonne performance. Biden a toutefois fait mieux avec une progression de 24,1% de l’indice. D’autres facteurs jouent : la politique monétaire, les résultats d’entreprises, le niveau du dollar entre autres. La bonne nouvelle, c’est qu’une présidence Trump va être synonyme de baisse de la fiscalité pour les entreprises américaines, avec un impôt sur les sociétés qui pourrait tomber à 15%. Tout l’inverse de ce que la candidate démocrate souhaitait faire. Si l’effet est similaire à la baisse décidée en 2017 sous la première présidence Trump, cela devrait accélérer les investissements des entreprises…en particulier dans l’IA ! On peut donc s’aventurer à considérer que ce sera positif pour la bourse américaine et que l’effet pourrait même être amplifié par la baisse des taux de la Réserve Fédérale qui ne devrait pas être entravée, dans l’immédiat, par la victoire du Républicain.
Une certitude : la volatilité va être présente dans les jours et les semaines à venir. Il peut y avoir encore du flottement autour des résultats en raison d’habituels litiges judiciaires. Il est probable qu’il faille attendre encore quelques jours avant de savoir la composition exacte du Congrès. Par ailleurs, la géopolitique pourrait revenir sur le devant de la scène rapidement. La période de transition aux États-Unis, pendant laquelle le sortant est un lame duck (canard boiteux du fait de son incapacité à être vraiment opérationnel) pourrait inciter des États en froid avec les États-Unis à agir préventivement avant que Trump n’entre en fonction. Nous identifions deux points chauds immédiats :
– L’Europe de l’Est. Moscou pourrait profiter de la période de transition pour titiller l’OTAN en envahissant le corridor de Suwalki- une petite bande de terre de 65 km entre la Lituanie et la Pologne qui relie la Biélorussie à l’Oblast de Kaliningrad. En théorie, cela devrait entraîner une réponse militaire de l’OTAN. Mais qui ira se battre pour un corridor presque inhabité ? Personne…En revanche, la capacité de dissuasion de l’OTAN en prendra un coup et cela aurait l’avantage d’instaurer un rapport de force avec le nouveau président dans la perspective de la négociation d’un cessez-le-feu avec l’Ukraine.
– Au Moyen-Orient. Trump a demandé à Israël de terminer la guerre à Gaza avant son entrée en fonction. En outre, l’Iran menace toujours Israël de frappes balistiques. Les deux pays sont coincés dans un paradoxe de stabilité/instabilité. Israël ne peut pas utiliser ses armes nucléaires en représailles des attaques iraniennes ou pour les dissuader, tandis que le manque de précision des missiles iraniens ne va jamais empêcher Israël de se défendre. Cela signifie que les attaques d’un territoire sur l’autre vont devenir régulières et probablement s’intensifier avant l’entrée en fonction de Trump.
À court terme, la volatilité pourrait donc augmenter sur les marchés financiers si l’un ou les deux de ces scénarios venait à se réaliser. Le risque de short squeeze (vendeurs bloqués dans un marché haussier) sur le marché pétrolier n’est pas à négliger. L’or, l’argent, le dollar et les stratégies long short sur les marchés des actions pourraient être les principaux bénéficiaires de la période qui commence.
Commentaire bourse du 13 novembre 2024 – Christopher Dembik de Pictet AM